samedi 10 novembre 2007

L'Atlantique selon Amandine

Voici un petit épilogue illustré d'Amandine, équipière et journaliste de choc...

Parti un samedi de Madeira pour quelques mythes, après 21 jours de mer, nous sommes arrivés à Bahia, de l'autre coté. De l'autre coté de quoi, je ne le sais guère. Nous avons traversé notre passé, peut-être. En mer, personne ne décide quoi que se soit de sa vie. L'horizon pour miroir ne montre rien de demain. Pour les questions d'avenir, le temps n'est pas un remède. Pour elles, le corps et la tête ont besoin d'être arrêté face à quelque chose. Or, nous nous mouvions. Nous n'avions de comptes à rendre qu'aux nuages, aux étoiles et aux vagues, eux-mêmes mobiles. Il n'était pas l'heure et aucun élément n'aurait pu changer celle-ci, nous vivions en Temps Universel. Après 21 jours de mer, nous n'avons traversé qu'un mythe. Perdue et retrouvée, je n'ai jamais été. Nous avons traversé les Canaries et le Cap Vert, le pot au noir et l'équateur : ceux-la ne sont pas de terre, mais de légendes, devenus à force des siècles des contrées, puis les îlots st Pierre et Fernando de Noronha. L'Atlantique est une promenade, où nous avons été emmené comme un enfant dans son landau, bercé au bruit des vagues contre la coque et haletant sous la chaleur suffocante, émus par quelques rencontres simples : baleine, dauphins, poissons volants, dorades coryphènes, espadon. Mais l'Atlantique raconte la vie, quand je regardais son ciel et ses remous. Il chante et nous chantons avec lui quelque chose qui dit : nous vivons, nous avons vécu et ainsi se peut-il, nous allons vivre.

A notre arrivée, dix heures locales, on a enfin pu consumer le mythe. Au rythme de la samba, entendu depuis loin au large, nous sommes entrés dans le cœur du Brésil. Bu la Caipirinha, jeté dans l'eau verte, mangé les ananas, la pastèque, vibré pour Salvador de Bahia, là, sur le ponton, sans même avoir eu à toucher tout à fait terre, tourné vers notre voilier, dos à la ville haute, dos à demain, car ce n'était pas encore l'heure. Là, au milieu d'eux, des autres qui, avec nous, ont traversé l'Atlantique en solitaire, nous avons épousé le mythe. La terre à nouveau, revenir vers les siens, même des étrangers, venir avec cette douceur qui promet l'arrivée très proche lorsque trois ou quatre jours restent encore, se dire que nous sommes différents pour avoir demeuré en dehors du temps si longtemps, se dire alors que le Brésil peut se prendre, pour être entré dans un mythe qui veut que celui qui a traversé l'Atlantique a décidé un jour de voir ce qu'il se passerait de l'autre coté, s'il osait y aller. Nous verrons donc.

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