lundi 29 mars 2010

Sprint final !

Oh le voici le voilà finalement le dernier volet du récit de ma transat... Jamais facile de finir une aventure comme celle la ! j'epsère que vous apprécirez ce dernier morceaux, je vais pouvoir m'atteler au récit de la migration de la cigogne en terre scandinave maintenant, le printemps arrive, finit l'hibernation ;-)

Nos trois Pogos 1 (Champion, Bertho et Meyer) restent groupés au classement. Dès que les alizés de sud-est seront installés, va débuter la dernière grande phase : un marathon dans un vent soutenu et une mer formée. Un travail d’équilibriste et d’endurance, tant pour le bonhomme que pour le matériel.



18 octobre, quelque part loin de tout, la ou des avions peuvent s'écraser loin des radars...
Nous voilà donc sorti du pot au noir, l'alizé de sud est est établi, le soleil est revenu...
Il reste quand même 1400 milles a parcourir, une dizaine de jour... ce n'est donc pas vraiment un sprint donc, mais c'est le coté « final » qui change tout... A partir de la mon état d'esprit devient complétement différent, le gros morceau de l'épreuve est passé, l'objectif semble maintenant plus atteingnable, presque palpable, donc j'y pense... Penser a l'arrivée, a la terre, a tout ce qui me manque, marcher, courir, sentir les odeurs de la terre, une bière, une caipi, le brésil... et puis après l'europe, ma chérie, ma famille, mes amis... quelle vie m'attend ensuite ?
Et oui, la tête travaille beaucoup, mais c'est qu'il n'y a plus grand chose a faire a bord, au près bon plein babord, tout est réglé au petits oignons depuis belles lurettes, tout ce qui est matossable a été matossé au mieux, le pilote travaille peu voir pas du tout (la vitesse optimale s'obtient barre amarrée et voiles bien réglées), par contre la musique et bien a fond, et je dors beaucoup...

Je suis en contact radio avec Marc et François qui me talonnent a moins de 20 milles, cette compagnie est bien sympa, rassurante si loin de tout et permet de comparer periodiquement nos vitesses et nos progressions.

sur le site « Le havre course au large », le 19/10/09, on pouvait lire :
« Du côté des Pogo1, Sandrine Bertho semble avoir un peu laché prise, poussant un peu loin son bord au sud-est à la sortie du pot au noir. Elle accuse désormais une cinquantaine de milles de retard sur François Champion à la hauteur duquel elle était auparavant. François Champion est lui bien calé sur la route directe à une belle 26ème place. Il est pourtant une quinzaine de milles derrière l’étonnant Fabien Meyer qui partait sur cette transat sans beaucoup d’expérience, désireux de maîtriser toujours mieux les paramètres de la course au large. Gageons qu’il apprend plutôt vite. Il est pour l’instant l’auteur d’une superbe deuxième étape, régulier et judicieux dans ses choix. »


Ce passage de la course est assez diffus dans mes souvenirs, 8 jours avec 2 seuls points de repère : le passage de l'équateur, puis le passage a l'est de Fernando de Noronha, en dehors de ça, ce sont juste des chiffres de lattitudes qui défilent et donnent une idée de la distance qui reste et du temps qui passe...

L'équateur... cette ligne qui sépare notre planète en deux... A la fois très abstrait, mais en même temps c'est un des passage les plus concret qu'on peu se représenter lors d'une traversée comme celle ci. On a tous prévu un petit quelque chose de spécial a boire, certains se déguisent même ou improvisent une fête... Pour moi ce sera simple mais rudement efficace, il est 5 heures du matin ce 20 octobre et il fait nuit noire alors que j'approche cette ligne mythique, je sors d'un gros sommeil, sans réveil, je me frotte les yeux, jette un coup d'oeil dehors, rien, comme toujours.... Que la fête commence ! Musique ! Je fouille dans ma cambuse (une grosse caisse en plastique), je sais qu'il y a quelque part la dedans un petite fiole dans un petit etuis en bois, une petite flasque de chartreuse recyclée en rhum arrangé que mon ami yago m'a remis a l'escale a Madère... la voici ! Tout est prêt, comme pour un réveillon de nouvel an, sauf que le compte a rebourd est donné par le GPS... 0°00,125'N / 30°25'W.... Nous y sommes, la caméra est branché pour avoir la sensation de partager ce moment avec quelqu'un, je m'envoie une bonne rasade de rhum en guise de café ! ArgrrrrrG, c'est bon mais c'est fort ! Nous voilà au sud, je m'attache et sort fumer sur le pont, philosopher en attendant le lever du soleil, la tête me tourne agréablement, il fait bon, je suis perdu... serait ce donc un moment comme ca que je suis venu chercher ici ?

La fin de journée est néanmoins assez animée, d'abord j'ai 2 oiseaux qui m'escortent et me tournent autour pendant plusieurs heures, je ne me lasse pas de les regarder jouer, des genres de fou de bassan bien colorés, sans doute une colonie qui vit sur Fernando de Noronha et qui signifie donc en quelques sortes que le continent américain n'est plus très loin...
Et puis une voile au loin derière qui aparaît, je m'inquiète alors de savoir qui me rattrape si vite mais après un contact VHF, il s'agit une fois de plus des amis de Podo (Podorange, un beau bateau accompagnateur de 70 pieds). Il aimeraient prendre quelques photos de Roxane et nous voilà donc en train de choquer au mileu de l'atlantique pour attendre un bateau de 70 pieds !
Il sont sur nous juste après le coucher du soleil, visions suréalistes, ils sont tous sur le pont, mais ils sont déguisés avec des toges et autres accoutrements gallo-romains, c'est leur fêtes d'équateur, et vu de l'exterieur ca donne pas mal ! Photos, vidéo, bavardages, ce gros vaisseau fend cette mer hachée d'une manière bien différente...


Le 21 octobre a 20h TU. Dernière marque de parcours : Ferando de Noronha que je laisse assez loin sur tribord, une vingtaine de milles qui me permettent juste d'apercevoir ce doigt étonnant sorti de l'océan... Un petit paradis paraît il... je regrette presque de ne pas avoir un problème technique m'obligant a faire escale... Marc n'est plus très loin derrière et je l'aide a apercevoir ce petit bout d'île.
La trajectoire est donc plus libre a compter de maintenant, on vise donc le 13°Sud, toujours cap au 205-210, l'allure est un peu moins « serré », la météo annonce plutot de l'adonnante voir du Nord-est pour l'arrivée sur les cotes Brésilienne mais je suis septique et pour rien au monde je ne veux tirer des bords a la cote comme nous avions fait sur « l'esprit d'équipe » il y a 2 ans. Alors je reste sur la route directe, cap au 210... Mais progressivement « ça ouvre », le vent adonne doucement, il va être temps de passer sous gennaker mais c'est encore un peu fort, plus de 15 noeuds... Les pogo 2 arrivent a le tenir mais pas nous... on en rage avec François mais on se console en se disant qu'on va se tirer une belle bourre jusque dans la baie de bahia tous les deux.

22.10 « Le havre course au large »
Côté Pogo 1, Fabien Meyer contient toujours les assauts de François Champion et semble bien vouloir lui résiter jusqu’au bout. Mais 10 milles séparent seulement les deux hommes, il va y avoir du match entre les deux. Sandrine Bertho est elle désormais un peu décrochée 100 milles derière payant toujours son bord un peu trop à l’est à la sortie du pot au noir.


Ce jour la ca marche fort, je suis sous gennaker, pile sur la route, le bateau est a pleine puissance, bien équilbré, il « laboure » la mer a 7 noeuds... François me talonne, a la seule différence qu'il marche avec son code 5, voile que je n'ai pas a bord (nous sommes limité a 8 voiles et j'ai opté pour un génois a la place), cette voile intermédaire entre un gennaker et un spi lui permet de decendre de quelques degrés plus bas, et surtout avec un peu plus de surface donc un peu plus de vitesse... En début de nuit je vois son feu me passer tout doucement a quelques milles sous mon vent, impuissant je ne peux rien faire, j'essaye d'abattre un peu pour le suivre mais je ne suis plus dans le « range » de ma voile et je perd trop de vitesse... Je ne suis pas pour autant contrarié mais je jubile de ce match intense qui est en train de se jouer, il me passe d'une manière si propre, il ne s'agit pas d'une avarie ou d'un coup de fatigue... il le mérite, c'est bien lui qui m'a poussé jusque la sur cette deuxème étape !

23/10
Le match n'est pas pour autant terminé, le vent adonne encore, je suis desormais derrière, c'est a moi de prendre les risques... je passe sous grand spi un peu plus tot et reviens sur lui quelques peu avant qu'il ne fasse de même. Cette fois ça devient sport, tout les deux au largue sous grand spi dans un vent qui semble se renforcer doucement... ça tartine a bloc et il n'y a plus moyen de lacher la barre, d'autant que cette fois c'est moi qui ai un léger avantage en cap et en vitesse, je reviens sur lui en grapillant quelques dixièmes de milles tout au long de la journée... Le soleil se couche, le vent monte encore, la fatigue gagne du terrain... Un petit contact a la VHF pour se jauger... Je sais qu'il ne lachera rien le bougre...
Vers 2 heures du matin la fermeture intempestives de mes paupières provoque quelques beaux départ au lof, je ravise ma stratégie de contact et pense a plus long terme : aller dormir correctement 2-3 heures pour rattaquer a fond les ballons a lever du jour... J'affale le spi et m'affale...
Vers 5 heures, je tente de sortir de ma léthargie pour mettre en action la phase 2 de mon plan, le vent est encore monté et ce sera sous petit spi. Je ne sais pas ce qui se passe, le vent est fort mais sans plus et pourtant pas moyen de tenir en place ce maudit spi, le voilà qui claque sans arret, me fait partir au tas, l'ecoute qui passe au dessus de la bome... et puis ca n'avance pas, rien ne va, je m'enerve contre tout les éléments pendant plus d'une heures, je tire sur les bouts, me cogne partout, je suis de mauvaise humeur mais j'insiste, si je ne met pas le paquet maintenant je peux dire adieu a François, même lui essaye de m'aider par VHF mais en vain... Peine perdue, au bout d'un certain temps je me surprend a hurler, a frapper la bome, fait chier, j'affale le spi en vrac et je retourne m'allonger, le repos étant le seul remède quand l'enervement et la mauvaise attitude ont pris le dessus...

Un peu de repos et j'y retourne, plus calmement, je prépare bien la manoeuvre et feu, voilà la spi en tête... Oh miracle, voilà le bateau qui bondit et glisse sur toutes les vagues, le spi et la trajectoire stable et sereine... J'essaye de comprendre et réalise soudain mon erreur monumentale, dans mon réveil précipité et mon agitation, j'avais envoyé mon spi « a l'envers » (ecoute a la place de l'amure), trop de fatigue, manque de lucidité, je n'ai jamais remis cela en question et je n'ai même pas su le voir... cette fois j'ai laissé passé définitivement ma place en tête des pogo 1, mais je l'ai bien mérité !
Alors je décide de me calmer, de naviguer proprement et de profiter de ces 2 dernier jours de navigation pour réaliser, « sortir un peu la tête du guidon », laisser un peu la course de coté et mes espoirs de faire une régate dans la baie de Bahia... Bravo François, c'est toi le champion, et merci pour cette belle leçon !

24/10
Vacation de 11H05 TU, Les arrivée s'enchainent a Bahia, une grosse dépression orageuse sévit labas, Il nous restait 271 milles a 7hTU, moins de 48 heures, on est tout proche... je suis dans un trou du classement, 20 milles devant et 30 milles derrière il n'y a personne... je n'ai jamais été si isolé sur cette 2ème étape, pourtant la côte brésilienne est la, toute proche, Recife est a moins de 50 milles dans mon ouest, il y a beaucoup de trafic mais mon compagnon François ne répond plus...
Le vent est soutenu, 20-25 noeuds et j'ai repris un rythme comme dans les alizés au nord, de belles sessions de 3-4 heures sous spi, pleine balle, peut être les plus beaux surfs de toute la transat, et puis des pauses d'une a 3 heures, pour manger au clame, un peu de someil, un empannage et c'est reparti, le vent a vraiment tourné NE et on descend a fond, mon petit spi fait des merveilles (quand il est a l'endroit ;-), la nuit je tire le bord au large, et la journée je me rapproche vers la côte... Basique mais prudent et efficace. La course est oublié, je tente de réaliser que c'est la fin de l'aventure, mais je ne réalise rien, je suis complétement deconnecté de tout. Ces journées me paraissent terriblement longues, je me reconnecte a cete notion de temps, ce temsp qui me sépare du retour, je regarde défiler les milles qui reste sur le GPS, je contrôle mon ETA (heure d'arrivée estimée), je n'ai pas envie d'arriver a « une heure a la con », genre 5h du mat, quand la fête est fini mais que personne n'est réveillé... Objectif : l'heure de l'apéro dimanche soir...

Le 25/10
C'est pour aujourd'hui, allez on accélère ! Je suis un peu mal à l'aise, envie d'en finir, content d'arriver mais j'ai un peu peur de cette reconnexion brutale, de cette ville bruyante et opressante...
J'essaye de profiter a fond de tout ça, mais je me rend compte qu'il est difficile de profiter de quelque chose qui est devenu une habitude, un quotidien, certes spécial, mais on s'habitue a tout...
voilà la côte, voilà la ville, les avions, les bruits, les odeurs... Cette ville est immense des gratte-ciel a pertes de vue, j'ai bien préparé mon approche pour ne pas faire de boulette si proche du but, mais je ne résiste pas a l'envie d'aller faire mon empannage tout proche de la plage, au milieu des kites- surf, j'entend la samba et les klaxons...
Je longe ces barre d'immeuble, j'ai affalé mon spi pour me laisser aller a la reverie et la contemplation, et puis voilà l'entré de la baie, le soleil vient de se coucher et c'est au crépuscule que je remonte au près vers le port, je préviens la ligne d'arrivée par VHF, j'enfile ma belle chemise blanche... Et je tente de repérer la lligne parmis toutes ce bouées et ces bateaux qui circulent... mais que fait celui ci ? Il me fonce droit dessus...
Ah voilà le comité d'acceuil ! Projecteurs et flash m'empêchent de dicerner qui est la pour m'acceuillir mais qu'importe je sors mon plus beau sourire, je vire et passe la ligne... au son d'un petit coup de klaxon... Voial la course est finie. J'affale ma voile d'avant, fait route vers l'entrée du port... un petit zodiac me remorque mais le moteur tombe en rade, il s'en faut de peu pour que ma course se finisse sur la digue du port, beinvenu au Brésil !

J'accoste et quelques amis sont la, François biensur qui me met à l'eau avant que j'ai eu le temps de réaliser... voilà c'est fait, le comité se disperse et on se retrouve a une petite poignée a boire des caïpi dans ce bar du club nautique que je connais déjà trop bien... L'alcool diffuse un peu plus mes sensations de retour, mais ce n'est finalement pas si difficile de redevenir terrien, beaucoup de fête d'abord, beaucoup de sommeil ensuite... Je crois que j'aurais préféré traverser dans l'autre sens et rentrer chez moi plutot que de me sentir perdu loin des miens de l'autre coté de l'atlantique mais bon le retour se fera progressivement, aujourd'hui quand j'y repense j'ai l'impression d'avoir révé, une parenthèse que je ne suis pas près d'oublier...

2 commentaires:

Cécile a dit…

J'adore ton récit, c'est du pur bonheur
A très vite
cécile

Anonyme a dit…

Merci pour ton récit, super plaisant à lire et qui transmet bien les émotions que l'on doit ressentir : l'envie-peur d'arriver, avec cette question lancinant : et après ?
Que deviens-tu ... et le bateau, une parenthèse ou tu as d'autres projets ?
Christian