mercredi 25 novembre 2009

Un départ de barbare...

Voici donc finalement ci dessous le premier volet du récit de la deuxième étape de ma "Mini" transat, Il aura fallu vous armer de patience pour y avoir droit, j'espère en tout cas réussir a vous faire partager cette superbe aventure que j'ai vécue et vous procurer par ce biais quelques moments sympa d'évasion au milieu de l'hiver et de la routine.

Il s'agit donc d'un petit récit qui s'appuie sur mon journal de bord (technique et sporadique) et ma mémoire (qui flanche), je n'ai malheureusement pas eu le "loisir" d'écrire toutes mes impressions sur le vif... Donc vous comprendrez qu'il peut se trouver quelques imprécisions spatio-temporelles... Il y aura quelques images aussi, peu de photo et pas assez de vidéo mais quelques cartographies ou vous pourrez suivre a la trace la bagarre acharnée entre les Pogo 1, Sandrine en Violet, François en orange et moi-même en rouge...


Madère, a quelques jours du départ...

Mon fan club est reparti, après cette bonne coupure qui m'a fait un bien énorme en terme de repos et de décontraction, il est temps de me remettre dans la course.

Je commence donc par me réinstaller a bord, pour reprendre mes marques, et oui je fais parti des rares ministes qui dorment encore dans leur bateau lorsqu'il est au port, et cela se fait de plus en plus rare de nos jours... Pas seulement une question de budget, mais ce petit coté roots de vivre a bord et de faire corps avec son bateau me plait bien, ca permet aussi d'etre a fond dans l'ambiance, du petit café du matin avec les amis au bistrot « Apolo Mar » sur la Marina pour discuter du paramétrage du pilote ou de l'avitaillement, jusqu'à la derniere bière le soir (toujours au même bistrot) pour une discussion toujours passionnée mais beaucoup moins sérieuse....

Premier tours au supermercado, provisions en tout genre, ca fait deja une semaine que je potasse une liste de course mais je trouve encore quelques trucs a ajouter... Notamment : de l'eau ! Et oui il paraît que ceratins ont eu quelques desagrément avec l'eau du port lors de la précédente édition alors mieux vaut embarquer de l'eau minérale... Mais que c'est lourd ! Comment ma belle va elle encore flotter avec tout ca dans le bide ! 140 litres c'est pas rien, ajoutez y 20 litres de jus de fruits et autres, 20 litres de méthanol... et puis biensur qui va se coltiner tout ca a matosser ? Babord, tribord devant, derrière ? Ah oui je pars en solo...

Et puis la pression monte doucement, la météo devient le principal sujet de conversation, on entend parler d'une belle dépression sur les Açores, situation anormale, qui nous enmène un vent soutenu de sud-ouest (donc dans le nez) au lieu de notre bel alizé et surtout depuis dejà quelques jours des gros nuages et de la pluie, tout cela donc se confirme, devant internet et au bistrot, les options se dessinent, une belle dorsale bien ventrue va nous barrer la route au niveau des canaries (non il ne s'agit pas d'un énorme cétacé mais d'une zone de calme entre deux zones de basses pression liée a l'excroissance d'un anticyclone), le vent passera de Sud-ouest a nord-est, mais en passant par zéro... Le but est donc de faire en sorte que ce zero soit le plus court possible... Je reste dubitatif devant les analyses faites, aller chercher plus tot l'alizé du coté des cotes Mauritanienne semble extrême, aller dans l'ouest chercher du vent plus fort et plus longtemps dans la gueule avec de la pluie a gogo semble un peu mazo... Que Faire ? Et bien on laissera le bon feeling (ou le mauvais ?) decider sur l'eau en fonction des paramètres du moment !

J-2, je suis prêt... Merde, j'avais tellement pris l'habitude d'être dans le rush, toujours a la bourre que me voilà en panique, c'est sur j'oublie quelquechose, partir 3 semaines au large, quelle folie... il va me manquer quelques chose de crucial, je le sent... En temps normal, on part en voyage en se disant qu'une carte Visa pourra régler les petits oublis, voir les gros soucis... Chaque chose reprend une vrai valeur... Nourriture, eau, musique, tabac, crème pour le mal de fesse, les voiles, le mat, les safans... Tout est vérifié et revérifié. Je retourne 2 fois par jour au marché, dans les superettes et je trouve toujours quelques complément a reprendre, plus de fruits, de pain, de graines... cette fois c'est sur a 100% je ne manquerais pas de nourriture ! Je prend une chambre d'hotel pour une dernière bonne nuit, quasi inutile, j'y dormirais très mal !

Jour J... Sur notre ponton isolé nous sommes quelques un a piaffer d'impatence pour qu'un zodiac vienne nous délivrer de cette trop longue attente, dehors les conditions sont plutot plus cool que prévue, ciel couvert mais pas de pluie, vent de SW mais moins de 15noeuds. Ca doit monter ce soir, le premier dileme a résoudre : Génois ou solent ? La raison dirait solent mais j'ai vraiment envie de partir avec le peloton et de m'accrocher dès le départ.... La raison l'emporte ou peut-être plutot la flemme a l'idée de changer ma voile d'avant dans la brise et sous la pluie la première nuit ... (bon choix !)

Je quitte le ponton, pas de mouchoir qui s'agite, pas d'émotion particulière, personne vers qui me retourner, ce n'est pas plus mal, voir devant : mon bateau, la course et l'Atlantique. Je suis dedans : A fond !

Coup de canon, départ moyen, un petit bord le long de la cote pour virer une bouée et après sera le temps des options... Comme d'habitude, je prend un bord du cadre, a gauche, me dégage de la flotte, d'autant que j'ai un sale morceau de bambou coincé dans les safrans... Je règle ca et vire babord, Layline sur la bouée, bien isolé avec du vent frais et plus adonnant qu'à la cote je fais un excellent bord et me retrouve a la bouée avec les « bons », allez, il faut les tenir, je règle, je barre, je matosse... Sandrine est juste derrère elle a son génois et me rattrape doucement, j'enrage un peu d'être sous-toilé mais la déscision est prise. Ça s'étale doucement et vient le temps de la réflexion pour la décision que je n'ai pas encore prise : Sud ou Ouest ? Je reste Tribord, cap au sud, tout simplement car c'est le bord le plus rapprochant... Mais chaque fois qu'un collègue envoi sur l'autre bord je remet tout en question, c'est certain l'ouest est un bon investissement qui va finir par payer...

En attendant dans le doute je reste au sud, on est quelques un et pas tous des guignols comme moi donc ca me rassure... Le vent monte doucement, la mer se creuse, la terre disparait, la nuit tombe...

Je mange un morceau, légère rotation du vent, je vire, cap a l'ouest j'expérimente le matossage intégral des 140 litres et de tout le sur-poids que j'ai, c'est dur. Mon bateau est chargé mais dans ces conditions la il va très bien, bonne inertie pour passer la vague, maintenant plus de 15noeuds et je sent que je pourrais encore tenir le Génois, faire attention au gréement, ca tape fort quand même... arêtes un peu de te poser trop de question, va te coucher !

Réveil en milieu de nuit, me voilà déjà seul, plus personne a l'horizon, nuit noire, ne pas dormir trop sur ce bord ou je ne suis pas prioritaire.... Le vent monte 20 noeuds, je prend le premier ris.

La pression du départ est retombée et la fatigue me tombe dessus. Je vire tribord pour dormir un peu plus tranquillement...

J2, ça y est ce n'est plus drôle du tout... 25 noeuds établis, ça tape très fort, c'est tout gris, il pleut, dehors ca mouille beaucoup, je passe beaucoup de temps a l'abri, l'estomac un peu en vrac, pas d'appétit... Pas sympa du tout comme mise en bouche... Et puis le pompom, j'ai perdu ma girouette dans la nuit ! J'enrage, elle ne pouvait pas ne lacher le dernier jour de la premiere étape plutot que le premier jour de la deuxième ? Pour couronner le tout, tout le monde se plaint a la VHF, ca devient lourd, je l'éteint. Seul réconfort, je suis plutot bien classé, 25ème, 1er Pogo 1, alors je garde la toile, même si moi je ne vais pas très bien, ma Roxane est en grande forme et c'est plutôt son allure de prédilection... je la laisse faire et passe beaucoup de temps dans la bannette tellement c'est désagréable, si t'es pas couché tu dois te tenir tout le temps, tu te cogne, ca mouille, c'est lourd...

J3, le 5 octobre, aujourd'hui c'est un grand jour, pour la première fois de ma vie j'ai le mal de mer... Je vomi une paire de fois et tente de m'alimenter un minimum... Cette nuit je devrais approcher les Canaries, il faut que je garde la forme. Ce passage s'annonce très stratégique, on doit passer la dorsale (vent molissant et rotation) et il faudra en même temps éviter les déventes ou les surventes dues aux îles... Pour l'instant, tribord amure je passe presque la pointe ouest de Ténérife, je prie pour une petite bascule de vent qui m'évite de tirer un petit contre-bord qui serait douloureux....

Le passage des Canaries sera un épisode palpitant... restez connectés !